Comment la maladie s'exprime dans les cellules

On considère aujourd'hui qu'il existe 13 différents types de céroïdes-lipofuscinoses neuronales (CLN). Chaque type est causé par la mutation d'un gène particulier, et entraîne des symptômes qui peuvent être différents. Dans la suite de ce document, on se propose de présenter de manière précise les mécanismes qui entrent en jeu dans l'expression de cette maladie.

La présentation de la maladie de Batten proposée ici reprend certaines des idées présentées lors des éditions 2016 et 2017 de la conférence annuelle des familles BDFA, et s'appuie en partie sur certains articles wikipédia et livres d'introduction à la biologie pour le fonctionnement du corps humain, et sur les documents proposés par les association BDFA et VML pour les parties concernant la maladie de Batten.

Comment fonctionnent nos cellules ?

Tous les organes et tissus du corps humain sont composés de cellules, qui à chaque endroit de l'organisme se spécialisent pour jouer un rôle nécessaire au fonctionnement de l'organe où elles sont situées. Les cellules du corps humain sont entourées d'une membrane, qui les enveloppe et régule les flux de matière entrants et sortants.

Les cellules du cerveau

Les cellules du cerveau

Figure 1 : les cellules du cerveau.

Source : interactive biology, novembre 2017

L'un des principaux organes touchés par les CLN est le cerveau. C'est notamment dans le cerveau que l'on rencontre les cellules appelées neurones. Les neurones sont des cellules très spécialisées, qui communiquent entre elles grâce à des axones, connectées par des synapses aux dendrites des autres cellules. Les axones, aussi appelés fibres nerveuses, ont un diamètre très fin, et leur longueur peut varier d'un millimètre à plus d'un mètre. Ils sont souvent regroupés en faisceaux, et constituent ainsi les nerfs. L'information circule le long des axones sous forme signal électrique. Les synapses quant à elles sont des zones de contact fonctionnelles entre deux neurones. Chez l'humain, elles utilisent un processus chimique pour transmettre l'information initialement électrique.

Contrairement à une idée reçue très commune, les neurones ne sont pas les seules cellules que l'on rencontre dans le cerveau. On rencontre ainsi les oligodendrocytes, qui assurent la formation de la gaine de myéline autour des axones (la gaine de myéline accélère la vitesse du signal nerveux qui parcourt l’axone en l’isolant électriquement), les microglies, qui assurent la défense immunitaire du système nerveux, ou encore les astrocytes, qui assurent une grande diversité de fonctions importantes, centrées sur le support et la protection des neurones.

Chacune de ces fonctions est essentielle au bon fonctionnement du cerveau.

Structure d'une cellule

Schéma d'une cellule

Figure 2 : schéma d'une cellule. Sur la figure, on retrouve notamment : le noyau (2), un ribosome (3) parmi tout ceux répartis dans le réticulum endoplasmique rugueux (5), un lysosome (12), la membrane (14).

Source : wikipédia, novembre 2017

La plupart des types de cellule contient un noyau, véritable cœur logique de la cellule. Il contient l'essentiel du matériel génétique de la cellule, autrement dit son ADN. De nombreux autres éléments sont également contenus dans les cellules, comme les ribosomes, qui ont pour rôle la synthèse des protéines à partir des informations venant de l'ADN, ou encore les lysosomes, qui est le lieu de la digestion cellulaire, c'est-à-dire l'endroit où sont découpées les protéines qui ne sont plus utilisées par la cellule, afin qu'elles soient ensuite évacuées. Ce processus de digestion est réalisé grâce à une série d'enzymes, chacune d'elle travaillant à une étape du processus de découpage. Pour schématiser, on pourrait dire que le rôle du lysosome est d'être l'usine de retraitement de la cellule, et les enzymes des ciseaux à découper les déchets.

Les protéines sont des molécules de grande tailles, composées de plusieurs chaînes d'acides aminés. Il en existe une très grande variété, et leur rôle est essentiel au fonctionnement de la cellule, depuis leur création par les ribosomes jusqu'à leur évacuation par les lysosomes. Chaque type de protéine peut assurer une ou plusieurs fonctions au sein de la cellule.

La maladie de Batten, comme toutes les maladies lysosomales, sont des maladies génétiques qui affectent le lysosome. À cause de la maladie, le lysosome ne peut pas faire correctement son travail de digestion cellulaire, ou d'aide à l'évacuation :: certaines étapes de la découpe des protéines ne fonctionnent plus, ou l'étape d'évacuation est mal pilotée. Des résidus plus ou moins gros de protéines (appelés métabolites) s'accumulent alors dans les lysosomes, causant à terme la dégénérescence de la cellule. On appelle ce mécanisme la surcharge lysosomale.

Qu'est-ce que l'ADN ?

Chromosomes et ADN

Figure 3 : chromosomes et ADN.

Source : wikipédia, novembre 2017

L'ADN (ou acide désoxyribonucléique) est une très grosse molécule présente dans toutes les cellules de notre corps, dans les chromosomes, eux-même situés au sein du noyau. L'ADN d'un humain est structuré en 23 paires de chromosomes. Chacun des chromosomes d'une paire est transmis par l'un des parents au cours de la reproduction.

Chaque chromosome contient donc un brin d'ADN, structuré sous forme d'une double hélice, et constitué en une très longue séquence de paires de bases. L'ensemble de ces séquences constituent l'information génétique, aussi appelée le génome d'un être vivant.

Le long de la molécule d'ADN, les séquences de bases forment des gènes. Les gènes sont d'abord transcrits en ARN dans le noyau cellulaire. Ces séquences d'ARN messagers peuvent alors traverser la membrane du noyau, et sont lues puis traduites en protéines par les ribosomes.

Les mutations génétiques

Mutations par suppression, insertion et substitution

Figure 4 : mutations par suppression, insertion et substitution.

Source : wikipédia, novembre 2017

Les mutations génétiques sont des phénomènes individuellement rares, mais constituent un des éléments essentiels de la biodiversité et de l'évolution des espèces. Elles se caractérisent par une modification de la séquence d'ADN, et peut être caractérisée par l'insertion, la suppression ou la substitution d'une séquence dans l'ADN d'un individu.

Certaines de ces mutations peuvent être silencieuses, c'est-à-dire qu'elles n'entraînent pas de dysfonctionnement : elles ne modifient pas la séquence d'un gène utile à la fabrication d'une protéine. À l'inverse, certaines mutations peuvent entraîner la non production d'une protéine, ce qui pourra entraîner le dysfonctionnement d'une ou plusieurs cellules. Dans ce cas, on parle alors de maladie génétique.

Les CLN sont des maladies génétiques, où chaque variante correspond à la mutation d'un gène particulier. La mutation de ce gène entraîne la disparition des instructions permettant de produire une protéine essentielle au fonctionnement des lysosomes.

Transmission des maladies génétiques

Toutes les maladies génétiques ne sont pas héréditaires, car la mutation génétique peut par exemple se produire dans la gamète (ovule ou spermatosoïde) de ses parents. On parle alors de mutation de novo. Cependant, la plupart du temps, les mutations sont transmises par les parents.

Transmission autosomique récessive, deux parents porteurs Transmission autosomique récessive, seulement un parent porteur

Figure 5 : transmission autosomique récessive.

Source : wikipédia, novembre 2017

Comme on l'a vu plus haut, les CLN sont des maladies génétiques. Afin que les lysosomes fonctionnent correctement, ils ont besoin d'un certain nombre de protéines. Ces protéines sont produites par les ribosomes à partir des instructions présentes dans l'ADN, et localisées dans un gène codant. Si ce gène codant n'est pas présent dans l'ADN d'un individu, cette protéine ne peut pas être produite.

Pour que le gène codant ne soit pas présent, il faut qu'il soit absent des deux chromosomes du patient. Si le gène codant est seulement absent d'un des deux chromosomes, la cellule est tout de même capable de produire la protéine. On dit alors que la personne est un porteur sain.

Ainsi, une personne atteinte par une CLN aura donc une mutation présente sur chacune des copies du gène correspondant. Ces mutations auront probablement été transmises par chacun de ses parents biologiques, tous les deux porteurs sains (voir la figure 5).

Les CLN

Il existe plusieurs variantes de la maladie CLN, correspondant chacune à la mutation d'un gène en particulier. Suivant les patients, la mutation peut varier (il existe plus de 500 mutations répertoriées), mais entraîne dans tous les cas l'incapacité de la cellule à produire la protéine correspondante.

Une description détaillée des symptômes de chacune de ces maladies est proposée sur la page décrivant les effets sur le quotidien des patients. Le chemin qui mène du gène aux symptômes est quelque chose de complexe, et constituent un sujet d'étude complet. En effet, même si les connaissances actuelles laissent à penser que chaque gène CLN produit une unique protéine, cette protéine peut être utilisée de plusieurs façons dans les cellules. Cependant, on peut grossièrement classer les CLN en deux types : les gènes dont la mutation entraîne la perte d'une enzyme nécessaire à la digestion cellulaire, et les gènes qui entraînent la mutation des protéines transmembranaires.

De l'ADN à la protéine et à l'enzyme

Figure 6 : du gène à la protéine, jusqu'à son utilisation dans la cellule.

La figure 6 présente une vue synthétique de l'utilisation des gènes par la cellule. Lorsqu'une enzyme est manquante, la digestion cellulaire ne s'effectue plus correctement dans les lysosomes, ce qui entraîne une surcharge lysosomale. Lorsqu'une protéine transmembranaire n'est plus produite correctement, certaines membranes ne jouent plus convenablement leur rôle de régulation des flux entrants et sortants. Dans le cas des CLN, cela peut affecter la membrane des lysosomes (et probablement aussi la membrane de la cellule elle-même). La conséquence est alors la même pour la cellule : la surcharge lysosomale, qui conduit généralement à la dégénérescence de la cellule elle-même.

Les variantes CLN1, CLN2 et CLN5 sont connues pour entraîner la perte d'une enzyme. À l'inverse, les variantes CLN3, CLN6, CLN7 et CLN8 sont connues pour entraîner la mutation de protéines transmembranaires.

Comme nous l'avons noté plus haut, les gènes ne s'expriment pas de la même manière dans toutes les cellules du corps humain. Parfois leur rôle est minime, parfois ils sont utilisés pour différentes tâches. De plus, chaque cellule fait un usage plus ou moins intense des protéines suivant son rôle dans l'organisme. Ainsi, les déficiences en gènes CLN ont des conséquences très différentes suivant les cellules. Certaines conséquences sont très facilement identifiables, comme sur les neurones par exemple, mais on sait aussi que d'autres cellules sont touchées, comme les microglies et les astrocytes.


Pour aller plus loin

Si vous souhaitez lire plus au sujet de la maladie de Batten, plusieurs documents complets peuvent être consultés. Certains sont en ligne, d'autres existent uniquement en version papier. En voici une liste non exhaustive, n'hésitez pas à écrire à l'auteur de ces pages pour en proposer d'autres.